LOURAU, JULIEN
CRIANCAS (THE MUSIC OF WAYNE SHORTER)
LP

23,50

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A l’orée des années 2000, Julien Lourau fut le pionnier français des rencontres entre le jazz et les musiques électroniques et de club.
Son nouveau disque ‘CRIANÇAS’ dédié aux compositions de Wayne Shorter des années 1980 souligne leurs influences brésiliennes et leurs apports…

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Description

BIO :

« Aucune musique n’est jamais vraiment finie. Rejouer un thème, c’est illustrer l’idée de la continuation de la vie. » Ces mots de Wayne Shorter, au moment de publier en 2018 Emanon, ultime recueil où l’octogénaire conjuguait à l’hiver d’une vie ses passions de jeunesse – le dessin et la science-fiction – et les combats d’une vie – le désordre écologique et le racisme structurel –, ne manquent pas de résonner à l’heure où Julien Lourau parcourt certaines des pages écrites par celui qu’il a toujours considéré comme un de ses maîtres à jouer. Cinq ans plus tard, le natif de Paris choisit de se replonger dans ses vertes années, en reprenant certaines plages composées par son tutélaire aîné au cours des années 1980. « Jouer cette musique c’est me retrouver dans ma chambre d’ado. Ce sont mes standards, qui me rappellent l’automne à Rambouillet. » Quand, tout en arpentant ses gammes, il jouait à Donjons & dragons et s’immergeait de SF et d’heroic fantasy, d’épiques influences qui ne sont pas sans connivence avec le monde onirique de Shorter, lui aussi adepte des univers au-delà du réel.

Au programme, quatre thèmes issus d’Atlantis, paru en 1985, deux extraits de Joy Ryder, sorti trois ans plus tard, auxquels il ajoute une composition écrite à la même époque pour Sportin’ Life, le pénultième LP de Weather Report, et une chanson de Native Dancer, le disque qui réunit dix ans plus tôt, en 1975, le saxophoniste formé auprès d’Art Blakey puis passé dans le second quintet de Miles au Brésilien Milton Nascimento. « Entre Native Dancer et Atlantis, Shorter n’a rien publié sous son nom, mais il a pris le temps et le soin de peaufiner son écriture. A son retour, il injecte avec subtilité du Brésil dans ses compositions, notamment dans les rythmiques. Et d’un point de vue harmonique, ces thèmes sont extrêmement sophistiqués, révélant des couleurs tout à fait singulières. D’ailleurs, il choisit de mettre des partitions comme notes de pochettes d’Atlantis. »

Fan des autres faces de Wayne Shorter, sur Blue Note où Mr Gone pose des bases d’un répertoire sans équivalent, comme avec l’ultime quartet, un modèle sans pareil, Julien Lourau s’est concentré sur cette période « très électrique », pas forcément la plus reconnue ni la mieux appréciée de celui qui pour faire unanime référence n’aura néanmoins pas eu de réelle descendance. En ligne de mire, le désir de pointer les accents toniques, typiques sud-américains, qui caractérisent ce répertoire et l’ambition d’en changer le son, « en essayant d’ouvrir une production très marquée par la fusion eighties ». Et ce même s’il admet que modifier les structures de cet univers des plus singuliers fut un tout autre défi. « Il s’agit d’une usine à gaz harmonique dont tu ne sais comment ça tient debout, mais où il s’avère impossible d’en toucher le moindre élément sans fragiliser tout l’édifice. C’est d’ailleurs très difficile à relever ! »
Pour parvenir à retranscrire cette créativité hors de toute mesure barrière, Julien Lourau a sollicité une nouvelle fois l’aide de Mathieu Debordes, avec lequel il s’est attelé dès janvier 2023 à tout remettre à plat, sur le papier, avant d’en passer à la musique proprement dite. Le disque s’est construit ainsi, sur la foi des partitions, sans forcément en passer par une résidence de création, juste deux concerts histoire de roder une mise en place. A ses côtés, outre Mathieu Debordes aux synthés, Julien Lourau a constitué une équipe ad hoc : à la basse selon les morceaux, le fidèle Sylvain Daniel ou un nouveau compère à la fretless, Joan Eche Puig, Stéphane Edouard aux percussions, qui s’élance même dans une espèce d’improbable proto-rap sur Pearl On The Half Shell (là où dans la version originale, Bobby McFerrin ajustait des interventions du style un peu loufoques), l’esthète batteur Jim Hart et le pianiste Léo Jassef , tous deux déjà présents sur son précédent projet, consacré au label CTI.

« A seize ans j’avais envie de sonner comme Michael Brecker plutôt que Ben Webster, c’était alors l’idée de la modernité », sourit celui pour qui tout ceci sonne un peu comme une suite logique, une réjouissante apnée dans un bain de jouvence. Et si pour ce disque il enfourche plus que jamais le soprano, le saxophone sur lequel Shorter jetait alors son dévolu, jamais il ne cherche à coller à la note près à cet indépassable modèle. A quoi bon ?
« Wayne Shorter n’est pas juste un saxophoniste pour saxophoniste. Je ne connais d’ailleurs personne qui a relevé un solo. Moi-même je ne l’ai pas fait, mais en revanche j’ai plein de phrases en tête. Sa manière d’aborder l’instrument révèle un langage plus évanescent, un travail sur les couleurs et les formes. Avoir ce son dans l’oreille m’a permis d’aller vers certaines idées, dont je retrouve a posteriori, aujourd’hui, certains échos même dans le Groove Gang. » Shorter dessine des phrases, un sillon dans lequel Lourau trace de subtiles ponctuations, parvenant à partir de moments très écrits à ouvrir d’autres fenêtres, promesses de belles échappées. Emblématique de cette démarche, la magistrale version qu’il délivre de Ponte de Areia, génial dialogue entre Milton Nascimento et Wayne Shorter, où le Français prend des libertés à partir de la mélodie originale, sans jamais s’éloigner de l’esprit originel, rallongeant avec délicatesse une partie, en proposant un développement rubato puis un groove « comme une petite suite ». Julien Lourau y retrouve un compère de l’autre siècle, Magic Malik, qui pose sa voix haut perchée. Plus de vingt ans, ceux-là s’entendent comme si c’était hier, cela sonne comme une évidence. Première prise, directe en boîte. Tout comme sur d’autres thèmes, telle l’ouverture Who Goes There où le flûtiste souffle douces volutes enchantées.
Au final, à l’image de la pochette qui figure un enfant jouant avec un ballon, qui pourrait être aussi bien la lune que le soleil, Julien Lourau parvient à retranscrire l’ambiguë candeur qui caractérise l’œuvre de Shorter, tout à la fois crépusculaire et solaire, celle d’un visionnaire poète définitivement hors de tout fuseau horaire, avec qui il partage d’étonnantes concordances des temps. Shorter est né le 25 août 1933, soit le même jour que son père, « si l’on tient compte du décalage horaire », et il est décédé le jour anniversaire de Julien Lourau, le 2 mars 2023. Faut-il y lire un curieux hasard ou plutôt déceler le signe d’un destin qui unit l’agnostique français à celui qui en fervent bouddhiste croyait en la transmission de son flux spirituel ?

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